Rabelais – Gargantua

A propos de l'auteur

Gargantua est un roman publié par François Rabelais en 1534. Mais avant de nous intéresser à l’œuvre, concentrons-nous sur l’auteur…

Il publie l’œuvre sous un autre nom : Alcofribas Nasier (anagramme de François Rabelais). C’est un auteur de XVIe siècle, donc de la Renaissance : nous sommes en plein mouvement de l’humanisme.

L’enfance et l’adolescence de Rabelais sont très intéressantes.

En effet, il a eu une expérience en tant que moine : il a été novice chez les Franciscains. Cela veut dire qu’il a intégré le monastère sans prononcer les vœux. Cela a eu une grande influence sur ses écrits, comme nous allons le voir. D’autant plus qu’il éprouve un attachement particulier aux textes originels : il se méfie des traductions de la Bible, parce qu’il craint qu’elles ne soient faussées et trop éloignées des écrits originels.

On ne sait pas si Rabelais était athée, ou simplement chrétien en faveur des textes originels, d’où le rejet des traductions contemporaines. Ce qui est sûr, c’est que son approche de la religion telle qu’elle est pratiquée à son époque est très critique !

Rabelais est un savant, un érudit : il est passionné par la littérature et la culture antique (il est notamment un fervent lecteur d’Erasme, et commence le Prologue de Gargantua en faisant référence à Platon !). C’est aussi un grand scientifique, qui a accompli des études de médecine, ce qui se ressent à la lecture de ses ouvrages. 

L'oeuvre

Rabelais publie Gargantua en 1534. C’est son second roman : le premier est Pantagruel, ouvrage publié en 1532 narrant l’histoire du fils de Gargantua.

L’œuvre est d’abord interdite par la Sorbonne : on est dans une période religieuse de répression par les catholiques, qui vont voir en cet ouvrage une provocation, une critique de la religion.

Mais rapidement, on va arrêter la censure et classer le livre parmi les romans comiques, grotesques, et ne se concentrer que sur son aspect amusant et divertissant.

Ensuite, on va tenter de trouver des clefs de lecture en cherchant les personnes ayant pu inspirer les personnages inventés : on parvient à la conclusion que Gargantua est inspiré de François Ier, et Picrochole de Charles Quint, par exemple.

Enfin, ce n’est qu’au siècle dernier que l’on se décide à étudier l’aspect philosophique et didactique du roman !

Résumé de l'œuvre

Le Prologue annonce déjà le registre comique : « Buveurs très illustres » est une manière amusante de s’adresser aux lecteurs, comme s’ils étaient alcooliques, et que ce trait était valorisé par la formulation élogieuse « très illustres » ! Mais ce Prologue annonce aussi qu’il faut prendre en compte le caractère sérieux et didactique de l’œuvre. En effet, l’auteur insiste sur le fait qu’il y a un vrai message caché, à ne pas oublier : 

« Et en admettant que le sens littéral vous procure des matières assez joyeuses et correspondant bien au titre, il ne faut pourtant pas s’y arrêter, comme au chant des sirènes, mais interpréter à plus haut ce que hasard vous croyiez dit de gaieté de cœur. »

Le roman commence par décrire le personnage de Gargantua : sa naissance hors du commun (sa mère reste enceinte pendant 11 mois, il sort de son oreille pour venir au monde…)

Son éducation occupe une part importante du roman. En effet, 

  • Il est d’abord éduqué par les sophistes qui en font un idiot. Il va simplement les écouter, apprendre par cœur ce qu’ils lui enseignent, sans réfléchir par lui-même. Les sophistes sont les prétendus scientifiques, les faux savants qui savent manier la langue et utilisent leur habileté langagière pour prouver tout et son contraire.
  • Son père va s’affliger de voir son fils devenir de plus en plus idiot. Il va alors confier son éducation à Ponocrates, un humaniste, qui va en faire un érudit, lui apprenant à penser par lui-même, et lui apprenant à maîtriser aussi bien les disciplines intellectuelles, que manuelles et physiques, afin de lui donner une éducation complète.

Juste avant de rencontrer Ponocrates dont il sera l’élève, Gargantua fera un voyage à Paris, durant lequel il sera en décalage avec les habitants qui le prennent pour un divertissement et un objet de curiosité. Il montera d’ailleurs sur les toits pour leur uriner dessus afin de se défendre, ce qui les noiera.

S’ensuivent ensuite les guerres picrocholines : Picrochole va provoquer le père de Gargantua, Grandgousier, jusqu’à l’affrontement. Ce dernier voulait éviter la guerre, mais suite à un incident (les boulangers de Picrochole ne veulent pas vendre de brioches au royaume de Gargantua), le conflit éclate. La troupe de Gargantua remporte la victoire.

Gargantua construira l’abbaye de Thélème, lieu idyllique et utopique dont la seule règle est « fais ce que voudras ». Ce lieu va prôner les valeurs humanistes.

Thèmes abordés

L’éducation : à travers l’opposition entre les sophistes/la scolastique et les humanistes.

  • les sophistes sont des hommes capables de très bien parler, et de prouver tout et son contraire. Ils font donc un très mauvais usage de la parole. Ils considèrent la science comme un exercice d’argumentation, ce qui en fait des faux savants. Ils sont très critiqués par Rabelais. Ce dernier en fait des représentants de la scolastique, éducation prônée au Moyen-âge, qu’il critique également puisqu’elle consiste à recourir aux arguments d’autorité, à faire apprendre par cœur, sans permettre la réflexion personnelle.

Texte complémentaire : Voltaire, Candide, extrait du chapitre 1. 

« Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux, et madame la meilleure des baronnes possibles. « Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, aussi avons-nous des chausses […] »

Dans ce texte, Voltaire fait preuve de beaucoup d’ironie vis-à-vis de Pangloss, un faux savant. Cela se voit à travers la discipline qu’il enseigne : « nigologie » est un mot inventé venant du terme « nigaud » (= imbécile). L’ironie se retrouve aussi dans l’adverbe « admirablement » et dans le vocabulaire argumentatif (« il est démontré », « il prouvait », « nécessairement », « remarquez bien »…), puisque sa démarche est faussement scientifique, il inverse le processus de cause à effet : par exemple, en avançant que les nez sont faits pour porter des lunettes, comme si l’objet lunettes existait avant les nez et que cette partie du corps avait été créée pour cet instrument ! Voltaire vient ici critiquer les sophistes, aux prétendus raisonnements scientifiques, mais qui, en réalité, rendent plus idiots ceux qui les écoutent.

  • Grandgousier, le père de Gargantua, est très mécontent : à cause des sophistes, son fils a une intelligence très limitée. Il choisit alors Ponocrates comme nouvel enseignant, et cet homme sera important puisqu’il va incarner les valeurs humanistes (l’importance du savoir, de penser par soi-même, de s’éduquer dans des disciplines aussi bien intellectuelles que physiques et manuelles…). Gargantua deviendra un érudit suite à cette éducation, signe que le modèle humaniste est valorisé par Rabelais, qui en fait un idéal.

Le corps : on parle du bas corporel, des parties du corps les moins nobles, mais aussi des pratiques les plus triviales : uriner, déféquer, accoucher… Rabelais se sert de ses connaissances en médecine pour approfondir les notions d’anatomie et du fonctionnement du corps humain dans ce roman. La dimension triviale, grotesque, voire vulgaire, est donc assortie d’une intention didactique, d’une transmission du savoir.

L’humanisme valorisé : ce modèle de pensée est mis en valeur par Rabelais, et cela se voit notamment dans l’opposition éducation des sophistes – éducation par Ponocrates. Mais on peut aussi retrouver cet éloge à d’autres passages : par exemple, l’abbaye de Thélème est un lieu considéré comme parfait, utopique, puisque hommes et femmes sont égaux, pratiquent les mêmes activités, et qu’ils se gouvernent d’après le principe « Fais ce que voudras », règle contradictoire puisque la seule obligation consiste justement à ce qu’il n’y en ait pas et que chacun vive comme il le souhaite.

Remise en question de la religion : est-ce par athéisme ou par attachement aux textes originels, contre les textes traduits ? On ne sait pas. En tout cas, les travers religieux sont dénoncés par Rabelais : par exemple, l’abbaye de Thélème ne respecte pas les voeux de pauvreté/chasteté/obéissance, puisque les Thélémites sont riches, sortent de l’abbaye pour se marier, et qu’ils n’ont pas de règles à respecter. Or c’est le comble, puisqu’on se trouve justement dans un lieu religieux ! De plus, frère Jean est un moine, pourtant il fait preuve d’une extrême violence dans les combats (on repère un vocabulaire extrêmement cruel, le champ lexical du massacre…), et il entre en conflit au nom du vin et des vignes…

La guerre : pour Rabelais, la guerre est absurde et injustifiable. Le seul moment où elle est tolérable, c’est lorsqu’il s’agit d’une guerre défensive : Grandgousier n’avait pas d’autre choix que de mener ce combat, puisque les discussions pacifiques avec Picrochole n’ont pas abouti. Ces évènements sont directement inspirés par la situation contemporaine : François Ier et Charles Quint s’affrontent.

Rire et savoir

Le parcours « rire et savoir » implique que l’on étudie la dimension comique mêlée à la dimension didactique.

Pour Rabelais, le rire est très important : il écrira que « le rire est le propre de l’homme ». Il veut faire de son oeuvre une oeuvre de divertissement, une distraction face aux réalités tristes. Le rire ici est exacerbé, parce que le comique est présenté sous toutes ses formes : satire, ironie, scatologie, vulgaire, grotesque…

Apporter un savoir se fait aussi par le rire. En effet, l’auteur va employer un vocabulaire très spécialisé, très scientifique, technique, médical : il mélange le rire et le savoir. Par exemple, la scène du torche-cul est particulièrement intéressante à ce niveau, puisque Rabelais va montrer ses connaissances très développées en anatomie humaine, ainsi que ses raisonnements scientifiques prônant l’expérience, à partir d’une approche triviale et vulgaire. 

Transmettre le savoir par le rire est une pratique originale et nouvelle pour l’époque : cela marque le renouveau de la période, la sortie de la scolastique austère et l’entrée dans l’humanisme, modèle de pensée revalorisant l’homme.

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