Rimbaud – Cahiers de Douai

Qui est Arthur Rimbaud ? Quelques éléments biographiques pour comprendre l'œuvre

Arthur Rimbaud est un poète du XXe siècle. Il écrit sur un court laps de temps, de ses quinze ans à ses vingt ans, donc uniquement pendant cinq ans !

Il écrit donc à l’âge de l’adolescence, l’âge de tous les changements, durant lequel l’individu change et fait une expérience du monde renouvelée. Ses Cahiers de Douai vont retranscrire cette nouvelle perception du monde, ses rêves, ses valeurs et idéaux. 

Rimbaud a un rapport au monde très conflictuel. Tout d’abord, il s’entend très mal avec sa mère. Il va faire de nombreuses fugues, tenter de rejoindre Paris. Il rencontrera Paul Demeny, qui deviendra son ami et à qui il confiera les poèmes que vous lisez aujourd’hui dans les Cahiers de Douai. Et c’est ce dernier qui les publiera à titre posthume !

Rimbaud entretient une relation très fougueuse avec Verlaine, un autre poète plus âgé que lui, avec lequel il s’échappera, ce qui inspirera le recueil Une saison en enfer. Cette relation s’arrêtera suite à des coups de feu tirés par Verlaine en direction de son amant.

A vingt ans, Rimbaud arrête définitivement la poésie et se consacre aux voyages, au trafic d’armes, il devient négociant…

Il meurt à l’âge de 37 ans.

Les Cahiers de Douai

Probablement écrits en 1870, à l’âge de 15-16 ans, ces 22 poèmes n’étaient pas destinés à la publication. Rimbaud, après les avoir confiés à Paul Demeny, lui a demandé de les brûler : il voyait en eux des erreurs de jeunesse. Mais son ami ne l’a pas fait : au contraire, il les a publiés à titre posthume, après la mort de Rimbaud.

Ce sont des poèmes lyriques, dans lesquels le « je » est au centre du texte. Rimbaud met en valeur ses émotions, notamment à travers une ponctuation très expressive et de nombreuses apostrophes. Il va aussi souligner l’importance de la nature, avec laquelle il va être en harmonie, et la femme aura aussi une place majeure dans cette œuvre. 

Mais ce lyrisme s’accompagne aussi d’une dimension critique puisque Rimbaud va y ajouter une tonalité satirique, en dénonçant la guerre, la bourgeoisie, la politique de Napoléon III….

Les poèmes clefs : pistes d'analyse

« Roman » : 

  • Poème majeur, marquant la transition entre l’enfance et l’adolescence : « On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans ». Rimbaud met en valeur les nouvelles expériences qu’il va faire à la sortie de l’enfance, à l’aube de l’adolescence, comme le montrent les références au champagne et à la bière.
  • Il décrit la nature de manière lyrique et méliorative : elle est accueillante, chaleureuse, il se sent en harmonie avec elle : « Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
    L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière »  
  • Une de ces expériences concerne les femmes. En effet, il fait la rencontre d’une femme dont il tombe amoureux et qui lui écrira par la suite. Il insiste sur sa candeur, son innocence, sa naïveté.

« Ophélie » :

  • Référence au personnage éponyme (= qui porte le même nom) de l’œuvre de Shakespeare, Hamlet. Donc Rimbaud s’inscrit dans la tradition littéraire. Ce faisant, il l’honore, puisqu’il reprend un personnage marquant de la tragédie shakespearienne. 
  • Ophélie est une femme victime d’hallucinations, qui s’est suicidée en se noyant dans une rivière. Il la décrit : elle est morte, elle flotte dans un environnement dans lequel elle se fond harmonieusement, la nature l’accueille à bras ouverts. Rimbaud opère une esthétisation de la mort tragique de la jeune femme.

« Le bal des pendus » :

  • Réécriture de la « Ballade des pendus » de Villon. Il s’agit donc d’une parodie, d’une reprise poétique d’un poème de la tradition qui est volontairement tordu, écorché, dans le but de tourner la poésie traditionnelle en dérision.
  • Mais dans l’acte même de tourner la tradition en dérision, Rimbaud s’inspire de celle-ci, ce qui montre qu’il ne s’en émancipe pas totalement !

« Vénus Anadyomène » :

  • Contre-blason : forme littéraire parodique du blason. Le blason, c’est une poésie qui va mettre en valeur le corps ou une partie du corps, que le poète va décrire de manière élogieuse. Le contre-blason revient donc à dévaloriser, présenter de manière péjorative voire repoussante une partie du corps ou un corps. 
  • Ici, Rimbaud s’inspire de Vénus, déesse de la beauté. Mais au lieu de la valoriser et de la mettre en valeur, il en dresse un portrait repoussant, puisqu’il décrit une vieille prostituée hideuse.

« Le dormeur du val » :

  • Poème à propos de la guerre, que Rimbaud expérimente pendant une fugue. En effet, il marche dans une nature harmonieuse et accueillante, dans laquelle il voit un homme qui semble assoupi.
  • La chute de la poésie ramène brutalement le lecteur à la réalité : « Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit ». Rimbaud suggère donc que le soldat est mort, et non assoupi !
  • Ce faisant, il va pointer du doigt la guerre et ses atrocités, puisque de jeunes gens en meurent.

« Ma bohème » :

  • Poème sur l’adolescence de Rimbaud, fugueur, qui se retrouve dans une nature accueillante, avec laquelle il est en harmonie. Cette nature est une figure maternelle, protectrice.
  • Il n’a pas de but géographique, il va simplement errer, et ce faisant, présenter sa  manière de concevoir le poète. En effet, il va faire référence à Orphée, qui anime la nature de sa lyre, et au Petit Poucet, qui sème des rimes. Il s’appuie donc sur une image poétique traditionnelle (Orphée) et sur le Petit Poucet, pour illustrer la figure du poète en errance, vagabond.

Les thématiques abordées

La tradition poétique. Rimbaud va aussi bien s’en inspirer que la détourner. Cela se voit notamment dans les poèmes comme « Le bal des pendus », parodiant « La ballade des pendus » (poème de François Villon), que dans « Ophélie », inspirée du personnage d’Hamlet, ou encore « Le châtiment de Tartufe », faisant référence à un personnage central de l’œuvre de Molière. Rimbaud s’inspire donc de la tradition poétique, mais aussi littéraire, puisqu’en effet, Molière et Shakespeare sont dramaturges (auteurs de pièces de théâtre). Mais il va aussi la détourner, pour s’en moquer, dans ses poèmes. Donc d’un côté, c’est une source d’inspiration pour lui, mais de l’autre, il s’en émancipe, il la tord.

Liberté et révolte : Rimbaud est un jeune adolescent très fugueur, qui exprime le désir de se déplacer où il veut, quand il veut, sans se contraindre à une seule zone géographique. Cela se voit dans des poèmes comme « Ma bohème ». Mais sa révolte est aussi politique : il s’oppose à Napoléon III dans ses poèmes, il critique et dénonce la guerre et la bourgeoisie.

Les femmes : Rimbaud a l’âge où l’on commence à s’intéresser aux relations amoureuses et à la séduction, et cela se ressent dans ses poèmes. Il ne présente pas de véritable amour, mais des amours fantasmés, rêvés, désirés, érotiques. La femme est une figure omniprésente, que l’on retrouve même à travers la nature, qui peut parfois prendre un rôle maternel, protecteur.

Le parcours "émancipations créatrices"

« Emancipations » est un terme qui renvoie à la libération. Il s’agit de se libérer de quelque chose ; même de plusieurs choses comme le suggère le pluriel. Il y aurait plusieurs libérations. En effet, Rimbaud s’émancipe de sa famille (fugue, conflits avec sa mère), des conventions sociales (il est homosexuel, il mène une vie de débauche), de la politique (il s’oppose à Napoléon III, il critique la guerre), de la bourgeoisie, de la tradition poétique (il va tordre la poésie traditionnelle et contribuer au mythe du poète maudit, c’est-à-dire du poète à l’écart de la société, incompris, isolé). Ce recueil marque de très nombreuses émancipations pour le jeune Rimbaud, qui sort du personnage de l’enfant pour entrer dans celui de l’adolescent, et donc découvrir/expérimenter un nouveau monde.

« Créatrices » : ces émancipations, ces libérations aboutissent à une création. Rappelons que le terme « poésie » vient du grec poiesis qui signifie « création » ! Autrement dit, étymologiquement parlant, la poésie est une création. D’où les réécritures parodiques, les jeux sur la métrique (c’est-à-dire la forme du poème, qui ne respecte pas toujours la tradition !), mais surtout sur la manière d’envisager les thématiques traditionnelles. Rimbaud prend le parti du renouvellement de la tradition.

Les textes complémentaires pour ce parcours

Apollinaire, début de « Zone » :

À la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine
Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

Analyse : on repère des thèmes modernes et des mots inhabituellement employés en poésie, comme « tour Eiffel », « automobiles », « hangars »… on peut d’ailleurs retenir le premier vers de ce poème, qui renvoie de manière métaphorique à la tradition poétique : le poète exprime sa lassitude vis-à-vis de celle-ci. Cela explique pourquoi il aborde de nouvelles thématiques qui semblent en contraste avec la tradition dans ce poème.

Tristan Corbière, « Le Crapaud » :

Un chant dans une nuit sans air…
— La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.

… Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif…
— Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre…

— Un crapaud ! — Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue… — Horreur ! —

… Il chante. — Horreur !! — Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son œil de lumière…
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Bonsoir — ce crapaud-là c’est moi.

Analyse : dans ce poème, Corbière rompt avec la tradition à plusieurs niveaux. Tout d’abord, du point de vue de la métrique (c’est-à-dire de la forme du poème), on repère qu’il fait un sonnet inversé : deux tercets puis deux quatrains au lieu de l’inverse. Il s’appuie donc sur la tradition pour la tordre et proposer quelque chose de plus moderne, ce qui justifie aussi l’emploi d’un vers isolé en fin de poème, d’une ponctuation excessive qui donne un rythme brutal, et de la forme du dialogue tout au long de ce dernier. La rupture avec la tradition, ou, autrement dit, l’émancipation par rapport à la tradition, se repère également grâce à la comparaison du poète au crapaud. Le poète, traditionnellement, est une figure valorisée, noble, élevée ; qui se distingue des autres hommes par sa supériorité. En se comparant à un crapaud, Corbière va décrédibiliser et rabaisser le poète au point de l’humilier.

Blaise Cendrars, Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France

Cette œuvre contient un long poème en vers libres très moderne dans lequel l’auteur raconte son voyage en train de Moscou à la Mongolie, accompagné de Jeanne, une jeune prostituée. A l’aide de jeux sonores et d’un rythme saccadé, il tente de retranscrire les mouvements du train. Ce voyage, qui est tout aussi géographique qu’introspectif, met en valeur les rêves, la jeunesse, la volonté d’indépendance de son auteur à travers cette épopée personnelle. Blaise Cendrars a beaucoup de points communs avec Rimbaud : fugueur quand il était adolescent, grand voyageur, témoin d’une guerre (Révolution russe et guerre contre le Japon). Tout comme Rimbaud, la femme va avoir une importance capitale dans son œuvre : dans le cas de Cendrars, il s’agit de Jeanne, qui va être tantôt idéalisée et érigée en muse, tantôt rabaissée, dévalorisée, ce qui n’est pas sans rappeler les Cahiers de Douai. Enfin, la poésie de Cendrars est moderne : et cela fait l’objet de l’exaltation du poète, mais aussi de ses regrets. En effet, il va faire fi des règles poétiques, supprimant notamment la ponctuation pour conférer au rythme une certaine rapidité, mimétique de celle du train. Mais d’un autre côté, il va déplorer son incapacité à respecter les règles et la tradition poétiques.

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